En premier lieu, il est nécessaire de rappeler quelques définitions. En géologie, on appelle “argile” les minéraux d’une roche qui mesurent moins de 2 µm (micromètres), et la nature de la terre, en particulier la composition argileuse du sol, influence fortement la sensibilité à l’eau. Ainsi, tous les sols argileux ne présentent pas la même sensibilité à l’eau.
Le sujet du retrait-gonflement des sols argileux constitue un enjeu majeur lors de l’achat immobilier, notamment lorsqu’il s’agit d’acheter une maison sur ce type de terrain. L’objet étant d’acheter une maison sur sol argileux, nous nous intéressons dans cet article uniquement aux sols argileux qui présentent des sensibilités de retrait / gonflement en fonction de la teneur en eau du sol. Par simplification nous les nommerons “sols argileux”.
Les sols argileux couvrent une grande partie du territoire français et peuvent représenter un véritable défi pour la stabilité des bâtiments. Leur particularité ? Ils gonflent en période humide et se rétractent en période de sécheresse. Ces mouvements, appelés « retrait gonflement des argiles », provoquent des fissures, des déformations structurelles et, parfois, des désordres importants sur les maisons individuelles. Avant tout achat d’une maison sur un terrain argileux, il est donc essentiel de comprendre les risques, de savoir identifier les signes de fragilité et de vérifier certains éléments techniques. Cet article vous guide pour acheter en toute connaissance de cause et sécuriser votre investissement immobilier.

Qu’est-ce qu’un sol argileux ?
Une composition à double visage
Un sol argileux est constitué de particules très fines présentant une structure en feuillet un peu comme un mille feuilles capables de retenir une grande quantité d’eau entre les feuilles. Cette particularité confère au terrain une plasticité importante : il devient meuble lorsqu’il est humide et se contracte lorsqu’il s’assèche. Ces variations de volume entraînent des mouvements du sol qui affectent directement les fondations des constructions. Ce processus est appelé phénomène de retrait gonflement : il s’agit d’un comportement géotechnique des sols argileux qui peut provoquer des déformations et des dommages structurels importants si le sol n’est pas correctement évalué avant la construction.
En période humide, le sol gonfle et exerce une pression ascendante sur les structures. Lors des épisodes de sécheresse, il se rétracte, provoquant un tassement différentiel. Ces phénomènes répétés fatiguent la structure du bâtiment et peuvent, à terme, générer des fissures structurelles. Il existe cependant des solutions techniques permettant de limiter les effets du phénomène de retrait gonflement sur les constructions.
Des zones particulièrement concernées
En France, les sols argileux sont très présents dans de nombreuses régions :
- le Sud-Ouest (Toulouse, Gers, Tarn, Lot-et-Garonne) ;
- la vallée du Rhône ;
- l’Île-de-France et une partie du Bassin parisien ;
- certaines zones du Centre et de la Bourgogne.
De nombreuses communes de ces régions sont concernées par le risque de retrait-gonflement des sols argileux.
Depuis 2020, un arrêté ministériel classe chaque commune selon son niveau d’exposition au retrait-gonflement des argiles (faible, moyen, fort). Cette information est intégrée dans le diagnostic ERP (État des Risques et Pollutions), remis obligatoirement à l’acheteur lors de la vente d’un bien. Certaines communes ont ainsi été reconnues en état de catastrophes à la suite d’événements exceptionnels liés à ce phénomène.
Un comportement sensible aux conditions climatiques
Les périodes de sécheresses successives ont aggravé ce phénomène. L’été 2022, par exemple, a provoqué une recrudescence des sinistres liés au retrait-gonflement des argiles. Le changement climatique accentue la fréquence et l’intensité de ces phénomènes, rendant les épisodes de sécheresses et de mouvements de terrain plus courants.
Selon la Mission Risques Naturels (MRN), plus de 10 millions de maisons individuelles sont aujourd’hui exposées à ce risque en France.
Les conséquences sont parfois différées : un bien peut sembler stable lors de l’achat, puis se fissurer après un ou deux étés secs, lorsque le sol subit plusieurs fois des cycles de gonflement et de retrait. D’où l’importance d’une évaluation préalable par un expert bâtiment avant toute acquisition dans une zone argileuse.
Quels sont les risques pour une maison ?
Les fissures sur les murs et façades
Les fissures sont le premier signe visible d’un sol argileux instable.
Elles apparaissent souvent en escalier sur les façades, ou en diagonale au niveau des ouvertures (portes, fenêtres). Il est essentiel d’observer attentivement les fissures présentes sur les murs, qu’ils soient intérieurs ou extérieurs, car elles peuvent révéler des désordres structuraux importants. Ces désordres traduisent un tassement différentiel entre différentes parties de la maison, notamment entre les zones fondées sur des sols plus ou moins porteurs.
Une fissure active (qui s’élargit dans le temps) doit alerter : elle peut compromettre l’étanchéité du bâtiment et, à terme, sa stabilité. En cas de fissures suspectes sur les murs, il est fortement recommandé de faire réaliser des expertises afin d’évaluer précisément la situation et prévenir tout litige.
Les affaissements de planchers
Les mouvements du sol se répercutent également sur les planchers intérieurs. On peut constater :
- un plancher qui se creuse ou se bombe légèrement ;
- des portes qui ferment mal ;
- des plinthes qui se décollent.
Les maisons construites sur terre plein sont particulièrement exposées à ce type de désordre, car ce type de fondation est plus sensible aux mouvements du sol.
Ces signes traduisent une déformation structurelle liée à des mouvements de fondations.
Les déformations de structure
Le retrait-gonflement des argiles exerce des contraintes mécaniques sur les murs porteurs et les dalles.
Dans certains cas, le bâtiment se fissure de part en part, voire se désolidarise entre plusieurs blocs. Les extensions, garages ou vérandas attenantes sont particulièrement vulnérables car leurs fondations sont souvent moins profondes, ce type de fondations étant plus exposé aux mouvements du sol.
Environ la moitié des maisons individuelles construites après 1976 sont concernées par ces risques.
Les effets aggravants des conditions climatiques
Après plusieurs étés secs, le sol peut se rétracter profondément. Lors des premières pluies, il gonfle à nouveau, entraînant de nouveaux mouvements. Ces alternances accélèrent la dégradation du bâti. Les zones en pente ou les terrains partiellement remblayés sont encore plus exposés.
Il est donc essentiel d’assurer une bonne gestion des eaux de pluie afin de limiter les variations d’humidité du sol et de réduire les risques de fissures ou de tassements différentiels.
Les risques assurantiels
Un sinistre lié au retrait-gonflement des argiles peut être reconnu en catastrophe naturelle si un arrêté interministériel le confirme pour la commune concernée. Cet arrêté est publié au journal officiel et la date de reconnaissance de l’événement est déterminante pour l’indemnisation par l’assurance habitation au titre de la garantie cat nat (catastrophes naturelles). La garantie cat nat de l’assurance habitation couvre ainsi les dommages causés par les catastrophes naturelles, comme les fissures dues à la sécheresse ou à la réhydratation des sols.
France Assureurs joue un rôle clé dans la gestion des sinistres liés aux catastrophes naturelles et publie régulièrement des statistiques sur l’évolution de ces risques dans le secteur de l’assurance habitation.
Il est recommandé de réaliser une étude G2 AVP avant l’achat d’un bien immobilier afin de sécuriser l’investissement et d’anticiper les éventuels surcoûts liés à la nature du sol.
Par ailleurs, la présence d’un sous sol ou d’un vide sanitaire sous la maison peut limiter les risques assurantiels en renforçant la stabilité de la construction face aux mouvements du sol.
Cependant, l’indemnisation ne couvre que les dégâts survenus pendant la période reconnue et ne prend pas en charge les affaissements antérieurs.
L’absence de déclaration rapide ou de dossier technique solide peut compliquer la prise en charge.
La responsabilité du constructeur
Lorsqu’une maison est construite sur un terrain argileux, la responsabilité du constructeur est un point central à considérer. En effet, le constructeur doit impérativement tenir compte des risques liés au retrait gonflement des argiles (RGA) dès la conception du projet. Cela implique d’adapter les fondations et les techniques de construction pour limiter les conséquences des phénomènes de retrait et de gonflement du sol. Si ces précautions ne sont pas prises, le risque de sinistre structurel augmente considérablement, exposant la maison à des fissures, des affaissements ou d’autres désordres majeurs.
En cas de sinistre lié au retrait gonflement des argiles, la garantie décennale s’applique si la solidité de l’ouvrage est compromise ou si la maison devient impropre à sa destination. Il est donc essentiel que les constructeurs, qu’il s’agisse de maisons individuelles ou de lotissements, réalisent une étude approfondie du terrain argileux et mettent en œuvre des solutions adaptées, comme des fondations renforcées ou des dispositifs de drainage. Les propriétaires doivent s’assurer que ces mesures ont bien été prises, car en cas de défaut, la responsabilité du constructeur peut être engagée, et des recours sont possibles pour obtenir réparation.
L’importance de l’expertise bâtiment
Faire appel à une expertise bâtiment est une étape clé lors de l’achat d’une maison sur un terrain argileux. Un expert bâtiment possède l’expérience et les outils nécessaires pour détecter les signes de retrait gonflement des argiles, tels que les fissures, les mouvements de terrain ou les déformations structurelles. Grâce à son analyse, il peut déterminer si les fissures observées sont anciennes, évolutives ou symptomatiques d’un problème plus profond lié au sol.
L’expertise permet également d’identifier les zones à risque sur le terrain argileux et de proposer des solutions pour stabiliser la maison. En cas de doute, l’avis d’un expert indépendant est précieux pour évaluer l’ampleur des dégâts, anticiper les coûts de réparation et sécuriser l’investissement. Cette démarche est d’autant plus importante que les phénomènes de retrait et de gonflement peuvent évoluer dans le temps, rendant certains désordres visibles seulement après plusieurs cycles de sécheresse et de réhydratation du sol.
Les points d’observation prioritaires lors de la visite
Lors de la visite d’une maison construite sur un terrain argileux, il est crucial de porter une attention particulière à certains éléments pour détecter d’éventuels dégâts liés au retrait gonflement des argiles. Parmi les points d’observation prioritaires, examinez attentivement les façades à la recherche de fissures, notamment en escalier ou en diagonale, qui peuvent révéler des mouvements du sol. Vérifiez également les désaffleurements entre les différentes pièces, les déformations autour des portes et fenêtres, ainsi que l’état des plinthes et des carrelages.
N’oubliez pas d’inspecter les fondations, les murs porteurs et les sols pour repérer tout signe de tassement ou de gonflement. Soyez attentif aux portes qui ferment mal, aux planchers qui semblent bombés ou creusés, et aux éventuelles traces d’humidité. Une inspection minutieuse de ces points permet d’anticiper les risques et d’éviter les mauvaises surprises après l’achat. Si des doutes subsistent, il est recommandé de solliciter un expert pour une analyse approfondie.
La documentation et la transparence dans la transaction
La transparence et la qualité de la documentation sont essentielles lors de l’achat d’une maison sur un terrain argileux. Le vendeur doit fournir à l’acheteur une étude de sol G1, qui permet d’identifier la nature du sol et les risques associés, ainsi qu’une attestation de prise en compte des règles de prévention du risque RGA. Il est également indispensable de consulter l’État des Risques et Pollutions (ERP), qui mentionne les risques naturels, et de vérifier si la commune a fait l’objet d’un arrêté de catastrophe naturelle pour le retrait gonflement des argiles.
Cette transparence permet à l’acheteur d’évaluer les risques liés au terrain argileux et de prendre les précautions nécessaires avant de signer le compromis de vente. En cas de doute sur l’interprétation des documents ou sur la réalité des risques, il est conseillé de faire appel à un expert bâtiment indépendant, qui pourra analyser la situation et donner un avis objectif sur l’état de la maison. Une transaction bien documentée et transparente limite les risques de surprises et sécurise l’investissement immobilier.
Quelques vérifications avant acheter une maison sur sol argileux
Avant l’achat d’une maison sur sol argileux, il est essentiel de suivre quelques conseils et de prendre plusieurs précautions :
- Consulter le diagnostic ERP, qui mentionne le niveau de risque argile ;
- Analyser l’état de la maison : présence de fissures, décollements, traces d’humidité ou affaissements ;
- Demander l’historique des réparations : reprises en sous-œuvre, travaux de fondations, sinistres antérieurs ;
- Faire réaliser une étude de sol (G5) si des doutes persistent ;
- Vérifier la couverture d’assurance sécheresse, notamment les indemnisations déjà perçues.
Il est fortement recommandé de faire réaliser des études de sol préalables (G1) et de conception (G2) avant tout achat, afin d’évaluer précisément les risques liés à la nature du terrain et de garantir la sécurité de la transaction.
Ces vérifications permettent d’éviter de lourdes réparations à moyen terme. En cas de doute sur la stabilité du terrain, il existe des solutions adaptées pour sécuriser la construction ou renforcer les fondations.
En conclusion
Acheter une maison sur sol argileux n’est pas forcément risqué, à condition d’agir en connaissance de cause. Il est essentiel de vérifier les garanties associées à la construction ou à l’achat, telles que l’assurance dommages-ouvrage, pour se prémunir contre d’éventuels sinistres ou litiges. Une expertise préalable et une vigilance du propriétaire sur les signes de désordre permettent d’anticiper les risques et de préserver la valeur du bien. En cas de doute, consultez un expert bâtiment indépendant pour sécuriser votre achat.
Autre conseil d’expert, l’expert vous invite a consulter un dossier thématique réalisé par le BRGM sur les phénomènes d’argiles gonflantes. Ce dossier est consultable en cliquant ici